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L'enfant et le jeu : jouer pour mieux grandir !




Depuis plus d'un siècle, on a mis en évidence le rôle du jeu dans le développement de l'enfant. Mais que sait-on aujourd'hui sur la place et le rôle du jeu dans la construction de l'enfant ? A-t-il réellement une utilité ? Si oui, laquelle ?


jeu et enfant : développement de l'enfant et psychologie

Un petit mot d'histoire...

Pendant longtemps, le jeu a été perçu comme une activité sans grand intérêt ou plutôt sans grande utilité pour l'enfant si ce n'est que lui permettre de se défouler, se distraire, avant de revenir à des tâches plus "sérieuses".

Avec le développement de la psychanalyse, puis de la psychologie moderne, il est devenu évident que le jeu jouait un rôle plus qu'important pour l'enfant, et peu à peu se sont développées des observations et des théories autour du jeu chez l'enfant :

D'abord, Freud mit en évidence comment le jeu reflétait la vie psychique de l'enfant et l'aidait dès son plus jeune âge à s'adapter aux frustrations de la vie (par exemple, avec l'expérience dite de la "bobine" qui permet à l'enfant de reproduire à souhait l'expérience d'absence de sa mère en faisant disparaitre et réapparaitre cette même bobine et en y associant des émotions proches de celles d'une réelle séparation et de réelles retrouvailles).
 
Ensuite, ce fut Piaget (psychologue et biologiste suisse du siècle dernier) qui voit le jeu comme un moyen d'étendre ses connaissances et savoir-faire. Selon lui, le jeu permet à l'enfant de petit à petit relier l'action (du jeu) et la pensée (qui elle-même se construit progressivement; et ce, de façon de plus en plus complexe). Piaget encore distingue déjà des âges "propices" pour certaines types de jeux :
  • Chez les O-2 ans, pendant la période dite "sensori-motrice", l'enfant est tourné vers des jeux lui permettant d'explorer des sensations différentes et de développer sa motricité, ses mouvements, sa dextérité. Il n'y a pas encore de jeux collectifs.
  • Chez les enfants de 2 à 6 ans, les jeux deviennent des occasions de nouer des relations, manipuler des objets de façon plus complexe et variée, et de développer le langage en plein expansion à cette période.
  • Chez les enfants de 7 à 11 ans, les jeux à règles sont les plus présents, jeux collectifs et jeux qui mobilisent leur capacités intellectuelles sont les plus prisés; et correspondent à l'étape de leur développement.
Maria Montessori, médecin et pédagogue (1870 - 1952), a aussi mis en évidence des étapes plus propices dans le développement de l'enfant, qu'elle appelle des périodes "sensibles". Elle associe les types de jeux aux périodes sensibles du développement de l’enfant. Certaines périodes seraient donc plus sensibles :
  • au mouvement,
  • au langage,
  • à l’ordre,
  • à l’affinement des sens.
Concernant les types de jeux, on trouve dans la littérature, une classification intéressante du médecin et psychologue genevois Claparede qui distingue deux catégories de jeux : ceux qui "provoquent des fonctions générales" et ceux qui "provoquent des fonctions spéciales, corporelles et spirituelles". 
Voici la liste qu'il propose :
Pour les jeux mobilisant des fonctions générales, on trouve :
  • les jeux sensoriels : destinés à éprouver des "sensations"
  • les jeux moteurs : de mouvement ou d'équilibre par exemple
  • les jeux psychiques : mobilisant les capacités à raisonner, réfléchir, comparer, associer, inventer ou imaginer
  • les jeux affectifs : créant des émotions multiples et destinés à apprendre à les nommer, les contrôler, les réguler (on retrouve ce type de jeu dans le conte par exemple)
Pour les jeux qui mobilisent des fonctions spéciales, on trouve les jeux :
  • de hasard (dés)
  • de lutte
  • de chasse et poursuite (cache-cache, loup...)
  • d'imagination
  • sociaux (opposition de clans)
  • familiaux (visant à reproduire les expériences du milieu familial)
  • d'imitation avec simulation (visant à mimer et reproduire une scène observée)
Ces différents jeux mobilisent des aptitudes différentes chez l'enfant et développent des capacités qui servent son développement et son épanouissement.

Le jeu aide l'enfant à devenir plus "sociable"

enfant et jeu - psychologie
En effet, c'est à travers le jeu que l'enfant commence à créer des liens avec les autres. Il n'est d'ailleurs pas capable tout de suite d'intégrer l'autre et les règles du jeu collectif. Ce n'est qu'à partir de 5-6 ans, qu'il en devient capable.

Avant, il s'agit plutôt de jouer "à côté de l'autre", de découvrir les différences entre lui et les autres enfants, les différences liées au genre (à partir de 3-4 ans), et de commencer à intégrer les principes de bases d'une vie sociale :
- les interdits : ne pas taper, ne pas mordre, ne pas arracher un jouet des mains de son camarade
- les aptitudes à développer : faire une demande, partager, communiquer, utiliser le langage, etc.

Le jeu permet plus tard à l'enfant d'intégrer des règles qui font force de loi dans le jeu et ne sont donc pas contestables : remarquez comment les enfants se transmettent oralement, de manière complètement informelle, les règle du jeu de billes ou de la marelle qui traversent les générations sans l'intervention des adultes.
Il s'agit là, à la fois d'une capacité à transmettre des règles qui paraissent immuables, mais aussi l'efficience d'une transmission qui semble faire fi des âges et des époques.

Le jeu permet aussi de confronter l'enfant aux valeurs et principes de la société ambiante, en cela, le jeu est un vecteur de transmission culturel et permet à l'enfant d'expérimenter et intégrer ces valeurs et principes : valeur d'honnêteté ("on ne triche pas"), valeur d'entraide ("on aide ses coéquipiers") sont des exemples de ces principes véhiculés au travers de jeux des enfants.

Un enfant qui ne respecterait pas les "règles du jeu" prend le risque d'être pénalisé, montré du doigt par le groupe ou même pire, être exclu du jeu; ce qui est assez semblable, si on y regarde de plus près, à ce qui se passe plus tard dans la vie en société, avec les lois qui régissent la vie sociale des adultes. La "pression sociale" et la désapprobation du groupe entraine l'individu à ajuster ses comportements en vue de rester en cohérence avec les codes et règles de son groupe d'appartenance.

Le jeu est donc un des fondements du développement social de l'enfant et aide l'enfant à se structurer psychologiquement.

enfant jeu psychologie

Des compétences multiples

Puisqu'il existe des jeux variés, les compétences mobilisées et développées sont donc elles aussi variées.

Dans les jeux liés à la sensorialité et à la motricité, on trouvera les compétences liées à la manipulation d'objets, au mouvement, au déplacement, à la reconnaissance et connaissance du monde environnant, à la maitrise de son corps, à l'assemblage, la construction, la rapidité, etc.

Dans les jeux dits "sociaux", les compétences seront liées à une capacité à coopérer, à développer des stratégies, à communiquer, à s'associer, à négocier, etc.

Dans les jeux dits "intellectuels", seront mobilisées des compétences "cognitives" : réflexion, logique, anticipation, planification, mise en place de stratégies pour atteindre un but, symboliser, utiliser l'abstraction, etc.

Dans les jeux d'imitation, il mobilisera des compétences d'observation, de langage, de résolution de conflits, d'imagination, de création, de récit et d'adaptation...


Dans chaque type de jeu, l'enfant développe une ou plusieurs compétences, et ce faisant se développe dans les différents domaines qui le constituent.

  À la lumière de ces informations et données, l'on ne peut que souligner l'importance du jeu dans l'apprentissage et l'éducation de l'enfant. Nous en reparlerons dans un autre article.

enfant jeu psychologie

Jouer pour mieux s'adapter

Il existe une autre fonction du jeu, qui avait déjà été mise en évidence par Freud et qui depuis a largement été reconnue puis précisée.
Il s'agit de ce qu'on appelle le jeu "symbolique", qui permet à l'enfant de rejouer des scènes de sa vie quotidienne - en général des scènes qui ont été désagréables ou pénibles - en jouant un rôle différent que le sien et en donnant une issue qui lui soit plus favorable : ainsi, il peut jouer le "parent" qui gronde (après qu'il ait lui-même été grondé) avec un autre enfant (un frère ou une soeur, un camarade) ou avec une poupée qui le représentera. En jouant cette scène, il peut se sentir soulagé d'être du côté de celui "qui est plus fort"; il peut aussi donner une autre issue à la scène en imaginant par exemple, une scène de réconciliation après le conflit qui lui paraitra plus facile à vivre qu'un conflit laissé en suspens et générateur de stress.

Pour Piaget, ce type de jeu prédomine entre 2 et 6 ans et aide vraiment l'enfant à mieux vivre et surmonter les conflits et les frustrations de sa vie. Après, le langage permettra à l'enfant de "symboliser" ce qu'il ressent et perçoit et remplacera peu à peu le jeu.
Il apporte d'ailleurs sept nuances à ce jeu symbolique qui suivent selon lui, un ordre allant du plus simple au plus complexe; en même temps que se développe la pensée de l'enfant. Car ce sont des compétences réelles que l'enfant utilise pour ce jeu symbolique : compétences d'observation, d'imitation, d'assimilation, puis d'analyse, de résolution de problème, etc.

L'enfant et le jeu : jouer pour mieux grandir !

Le psychologue et le jeu

Le jeu est un espace d'observation propice et riche d'informations pour le psychologue. En effet, à travers le comportement de l'enfant pendant le jeu, le psychologue peut apprendre sur ce qui se passe dans la tête de l'enfant, ses capacités, ses angoisses ou encore ses perceptions.

Le jeu est donc un précieux moyen pour le psychologue de mieux connaitre l'enfant afin de mieux pouvoir l'aider.


Rédigé par Nathalie Colin-Fagotin, Lu 4124 fois






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