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Expérience d'inclusion scolaire - Le quotidien d'un éducateur scolaire spécialisé

Journal quotidien d'un Auxiliaire de Vie Scolaire




Certains élèves ont des besoins "spécifiques" et "particuliers" qui nécessitent une adaptation de l'encadrement des apprentissages en milieu scolaire.
L'inclusion scolaire permet à ces élèves de rester dans un cadre scolaire classique tout en pouvant être aidé dans leurs difficultés.



Cadre d'intervention

Florent Savi-Bideaux  est éducateur scolaire spécialisé et intervient auprès d'élèves à besoins particuliers.

Son intervention s'inspire de l' ABA ;
" L’ ABA est une science comportementale recommandée par la Haute Autorité de Santé pour la prise en charge des troubles neuro-développementaux. Elle utilise plusieurs outils et protocoles permettant d’augmenter les comportements adaptés et socialement acceptables, aider dans les apprentissages académiques et développer les compétences sociales. "

"Je vais vous présenter mon travail au quotidien, mon rôle, les objectifs et procédures utilisés pour la prise en charge concrète que j’ai pu réaliser auprès d’enfants à besoins spécifiques dans le cadre de l’inclusion scolaire."
 
Primaire :
 
Prise en charge de l'accompagnement en CP (Cours Préparatoire) d'un élève présentant :
 
- Un TDAH (Trouble : Déficit de l'Attention avec Hyperactivité),
- Un TOP (Trouble Oppositionnel avec Provocation),
- Un retard de langage ,
- Un trouble anxieux ,
- Un trouble de la motricité fine et globale,
- Une probable hyperacousie (dysfonctionnement de l'audition qui occasionne une hyper-fragilité de l'ouïe)...
 
  Prise en charge de l'accompagnement en CE1 (Cours Élémentaire 1) de deux élèves dont un élève autiste Asperger.


Collège :
 
Prise en charge de l'accompagnement en 6ème d'un élève présentant :
 
- Un TDAH (Trouble : Déficit de l'Attention avec Hyperactivité).
- Une dyscalculie (Trouble sévère dans les apprentissages numériques),
- Une dyslexie (trouble de la lecture).
 

Objectifs des interventions

Mes activités sont nombreuses et variées mais de façon générale nous pouvons les résumer clairement de la manière suivante :
 
- Écouter et cibler les lacunes des élèves que j'accompagne,
- Déceler les problèmes psychologiques des élèves,
- Élaborer des techniques adaptées afin de transmettre les savoirs et de véritablement débuter les apprentissages,
- Choisir des outils didactiques et une pédagogie appropriée,
- Faire des bilans réguliers sur les progrès réalisés par les enfants au référent psychologue et parents.
- Échanges réguliers avec les parents de l'enfant afin de mieux comprendre et cerner son handicap...
 
 
Je vais illustrer désormais mes propos à l’aide d’une journée type que j’ai pu faire dans ce cadre :

Une journée-type auprès d'un élève (Thomas)

Prise en charge de Thomas présentant un TDAH, TOP...
 
8h30 : Dictée
    Thomas me dit que certains mots sont très durs alors qu’il les connaît très bien et obtient la meilleure appréciation avec un sans faute. (ce qui correspond à ce que nous appelons une Anxiété de performance).
 
9h00 : Grammaire
    Élise, la maîtresse, souhaite que Thomas écoute la révision du présent avec l’ensemble de la classe.
    Thomas est particulièrement inattentif pendant la révision et les exercices oraux avec la maîtresse. Il focalise sur d’anciennes petites blessures sur son bras et certains stimuli sonores tels que : des camarades qui parlent, des stylos, des ciseaux qui tombent, des bruits de chaises qui reculent...
    Dans un second temps, Thomas doit travailler sur deux feuilles d’exercices : une sur les accords et l’autre sur le verbe. Il vient à ma table pour que nous commencions ensemble les deux feuilles d’exercices. Dès que Thomas a compris, il doit retourner à sa place afin de poursuivre en autonomie. Cette procédure fonctionne pour ce jour-là et pour ces exercices là... La demande d’aide venant de sa part, il se sent ainsi moins envahi et coopère d’avantage.
    Après correction par Élise, Thomas est content de constater son appréciation TB (Très Bien) pour ses deux exercices de grammaire (différents de ses camarades car plus adaptés à son niveau ce qui n’est pas toujours le cas...).
    De ce fait, nous remarquons l’absence de frustrations et donc d’oppositions. De plus, cette procédure est renforçante, permettant à Thomas de prendre un peu plus confiance en lui et consolider des exercices difficilement appris ou pas du tout d’ailleurs. Cela lui permet de ne pas être  mis en situation d’échec.
 
10h00-10h15 : Récréation
    L’objectif des temps de récréations est la socialisation. Nous travaillons donc sur les habilitées sociales avec les pairs qui sont vraiment ouverts et bienveillants avec Thomas et le handicap en particulier. Par je jeu (1, 2, 3 soleil, épervier, basket...) la création de lien avec les autres enfants est très positive. Ces temps informels sont des moyens pour Thomas de prendre confiance en lui, en ses camarades et lui permettent de diminuer ma présence à ses côté, renforçant son autonomie.
 
10h20 : Mathématiques   
    Initiation aux bases des multiplications. Élise indique la page 86 du livret que les élèves doivent ouvrir. Thomas ne semble pas comprendre tournant les pages de son livret sans s’arrêter et tout en regardant sur sa voisine pour l’ouvrir finalement à la bonne page.
    Lors de la correction au tableau, malgré de nombreuses interpellations de ma part, Thomas a beaucoup de mal pour écouter la maîtresse. Une fois le premier exercice fait tous ensemble et resté écrit au tableau, Thomas me demande de l’aide pour  faire le premier exercice...
    Une fois à ma table, Thomas ne sait pas expliquer, ne réalise pas que toutes la correction est au tableau. Il ne répond pas comme il faut. (Accumulation de fatigue, d’épuisement en plus du trouble de l’attention). Il convient dans une telle situation de garder son calme et ne pas entrer en confrontation avec lui.
    Nous poursuivons la correction du premier exercice. A la troisième ligne et dernière et pour ne pas la faire, Thomas la saute pour passer au deuxième exercice. Il s’est montré opposant en cachant avec ses mains le premier exercice pour ne pas que je le remarque.
    Mon rôle est également de tout de suite communiquer avec sa maîtresse pour qu’elle puisse prendre pleinement son rôle et interagir avec l’élève. J’ai dû en parler à la maîtresse immédiatement pour avoir son point de vu et qu’elle parle à Thomas, ce qu’elle fît en lui expliquant que j’étais là pour l’aider et que si il refusait mon aide, il allait retourner à sa place pour faire les exercices seul.
 
    Thomas feint d’ignorer lorsqu’Élise lui parle. Il est orienté sur les bruits alentours, ce que font ses voisins, passant devant l’essentiel : la leçon, les explications... (nous parlons alors d’un comportement d’échappement auquel il est important de prendre aussi en compte l’accumulation de fatigue, d’épuisement en plus du trouble de l’attention et de la difficulté de compréhension de l’exercice).


Conclusion
 
    Cette matinée illustre à merveille par les faits, que la situation scolaire de Thomas n’est pas pertinente. Nous pouvons constater que lorsque les exercices (grammaire par exemple) sont adaptés à son niveau, Thomas ne présente pas de troubles du comportement. Il est valorisé par la réussite des exercices qui lui sont donnés et son capital confiance en lui augmente comme l’acquisition des apprentissages mais à un rythme moins rapides que ses camarades.
    La deuxième partie de matinée, après la récréation, en mathématiques, nous avons pu relever un tout autre comportement. La multiplication suscite assez rapidement chez Thomas de grosses anxiétés conditionnant une situation d’échec et accentuant ses troubles du comportement, un état de mal-être, d’infériorité.


Une autre situation illustrant mon travail avec Thomas

Lors d’exercices de français, Mathématiques..., Thomas rencontre de nombreuses difficultés pour lire et comprendre les consignes. Lorsqu’il se trouve dans de telles situations, il dit avoir chaud, trouve des excuses, des stratégies d’échappement.
    Si nous essayons de renforcer Thomas en le rassurant par exemple, il essaie mais très rapidement il arrête et devient très vite opposant et régulièrement provocant caractérisant son TOP. Les conséquences peuvent être violentes verbalement et physiquement ( insultes, tire les cheveux, mord, coups de pieds, gifles, coups de stylo, ciseaux...).
    La procédure à adopter en de telle situation nécessite un regard attentif et critique sur notre posture d’accompagnant pour ressentir chez Thomas le moment où il va basculer dans le TOP  afin d’éviter une telle situation. Toutefois, lorsque le TOP est déclenché, il est nécessaire, en tant qu’accompagnant, de prendre du recul vis à vis de Thomas pour le laisser se calmer, faire redescendre toute la violence caractérisé par le TOP (suscité notamment par l’inadaptation des supports pédagogiques) et que Thomas nous rappelle. Ce recul dure en règle générale quelques secondes voir quelques minutes.

Conclusion et propositions de progression

1.    Placer Thomas à côté d’une camarde calme (souvent, à cet âge, le comportement d’un garçon vis à vis d’une fille est plus sur la retenue) à une table de deux et non à un îlot de 5 ou 6 élèves, ainsi il imite des comportements plus adaptés et est face à moins de "distracteur".
 
2.    Thomas adopte une posture de mimétisme de ses camarades en recopiant sur leur cahier sans réaliser, sans comprendre ce qu’il fait.
 
3.    Quelle compréhension a-t-il des énoncées orales et de leur mise en application ?
Cette question soulève un point important concernant le niveau d’acquisition de son autonomie et de la pertinence de sa scolarisation en CE1 et à la rentrée prochaine en CE2, malgré le maintien d’un accompagnement...
 
4.    Thomas doit me solliciter pour que je l’aide et non l’inverse (favorise son autonomie et augmente sa coopération),
 
5.    Thomas doit faire l’effort de lire seul la consigne de l’exercice et essayer de le commencer avant de me demander de l’aide,
Face aux nombreux comportements violents de Thomas, l’orientation de la prise en charge s’est focalisée, à juste titre, sur la diminution et la fin de ses comportements. L’acquisition des savoirs scolaires ne pouvant connaître de réels succès sans une attitude comportementale adaptée aux apprentissages.
D’autre part, l’importance d’un travail en équipe (maîtresse et accompagnant) doit être cohérent et rigoureusement constant afin de permettre la bonne évolution de la prise en charge. En cela, si l’un des objectifs principaux est l’autonomie et l’acquisition de confiance en lui, il est nécessaire de laisser à Thomas la possibilité de les acquérir à son rythme. Par exemple, lors d’exercices à venir, la maîtresse doit laisser la liberté à Thomas de ne pas demander d’aide pour essayer de faire seul et potentiellement réussir. Les retombées ne peuvent en être que très positives. A l’inverse, si avant même de lui avoir donner les exercices, elle lui dit de venir s’asseoir à mes côtés pour que je l’aide, tout le processus est biaisé.
 
De plus, il est à noter l’importance des supports et de leur préparation en amont par l’enseignante concourant ainsi à de réelles objectifs d’inclusion... Si par exemple, cette dernière fluote sur la feuille d’évaluation de Thomas les exercices à faire le jour « J », à sa place et devant tous ses camarades, Thomas va vivre cette situation comme stigmatisante. Un tel exemple souligne l’importance d’un travail en équipe, l’importance du rôle d’un accompagnement individualisé et adapté et l’intérêt de la formation continue.


Autre article en lien : ABA : la science qui prend en charge l'autisme.


Cet article a été écrit par Florent Savi-Bideaux, éducateur scolaire spécialisé.


 


Rédigé par Nathalie Colin-Fagotin, Lu 584 fois






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